Fascinations réciproques
La boîte recouverte d’interstices gronde, vrombit, expulse une haleine de glace, dans l’allée peu passante ; un nouveau climat, plus frais, plus doucereux. Je pensais à toi en la commandant. Je t’y croise souvent, alors... Âme soeur et de mystères. Femme-totem. Différente.
Lui. Celui. Fuit. Reluit. Bandit. Brandis. Aussi. Eh! Toi. Regarde.
Je t’entends mon doux. Brume bigarrée que j’aime et adore. Un pair. Évidemment. Je me reprends. Me répands. Me dupe. Flûte !
Elle. Celle. Vêle. Mêle. Pèle. Recèle. Révèle. Ah! Toi. Écoute.
Je te comprends. Tu es comme moi. Absolument. Je te dis. Et redis. Jeune Érudit. Soupir. Oui. Non. Que sais-je? J’y crois. Je crois ?
Un à un, je les aligne avec soin sur le parquet noirci. En tranchées, deux milliers de dards de soleil : des lingots ouvragés, minuscules soldats de bronze. « La Grande joue » comme dirait Pépère « à sauver le monde à sa façon ». Un à un, je les place, les positionnent. Si un seul tombe, le combat est terminé. Je me concentre. Je feel douce. Et hop! Arrivée à mon ancestral bureau de maîtresse des lois, le temps, je le prends, a me redresser. Et contemple mon oeuvre, sans plisser, un sourire dentelle. Ressens.
Sur la porte de mon cabinet a été installé ce miroir, qui fait face au public, tantôt étranger, tantôt familier. Ce miroir est mon garde-fou. Il renvoie à autrui l’inefficacité du conformisme. Or, j’ai appris à te tolérer, à t’accepter, t’apprivoiser. Chaque fois que tu déambules ici, mon œil allumé t’aperçoit. Peu importe que je sois affairée ou pas. Tu es différent. La différence même. Une âme frère. Un double cher.
Trois années de salaire pour acquérir enfin, ce portrait mièvre d’un homme en habit de gala élimé, un chapeau oblong vissé sur sa chevelure dégarnie, les favoris sauvageons toutefois et une bien belle barbiche d’un autre temps. Mille Courbettes ! Son réputé créateur n’aura jamais le loisir d’apprendre que sa peinture sera accrochée à la porte de mon bureau. Simplement. Une nouvelle insigne, ma signature.
***
Du côté couloir, de la fumée émerge du climatiseur confiné. Sa toux nouvelle était étouffée derrière les panneaux de gypse recouvert de tentures cramoisies du cabinet de Me Arpin. Le détecteur le hume, s’en délecte. Enfin, il servira ! Un cri strident sort de ses poumons métalliques. L’Alarme est lancée.
Me Lortie se fige, et pourtant, continue sa tactique militaire, déposant une pièce avec l’autre, avec une minutie extraordinaire.
Me Arpin sort de son ennui. Pousse à la volée la porte de son lieu d’étude. Son autoportrait se décroche et cante, les acryliques lourds de médiums et de pigments contre le plancher ciré. La porte-miroir au cabinet attenant reste close. L’homme l’étudie, ébahi. Envahis. Troublé. Ses pieds le transportent jusqu’à la petite pièce, ses mains bouchent ses oreilles irritées. Non. Il n’est pas lieu de cogner. Pas contre la paroi de verre ! La poignée située un peu plus bas tourne aisément. De l’autre côté, tout le domino de Me Lortie s’écroule à une vitesse fulgurante !
– Allez, venez ma chère ! J’ai aussi mes envies et mes drôles de loisirs. Il n’est pas encore l’heure de voir disparaître les vôtres !! Partons !